Une Perte
- Érotique
L’iris droit est imprégné d’une lumière ondoyante, le bain de soleil filtre toujours au travers de vieux vitraux versicolores. C’est un rituel que j’effectue lorsque l’hiver cède sa place aux jubilations du printemps.
C’est un rendez-vous que j’honore en sa mémoire, car de lui, je préserve cette statue arrogante embellissant le musée, à qui je viens rendre visite aux heures coutumières.
Jalouse de l’attention des chalands qui pénètrent le musée, j’ai quémandé une audience régulière, seule, accordée à mon statut de veuve.
Décontenancée un moment, je reste hagarde devant le simulacre de mon idole, son cercueil.
L’ivresse de cette rencontre excentrique aimante tout vers la colonne d’argile nue qui regarde devant elle, me dévisage de ses orbites creuses. Tout comme la pluie inonde mes fentes, en apercevant le nez crochu, le jus acide s’exfiltre. Je mouille imprudente sous ma jupe, le con fond à l’appel de sa mémoire que j’autorise en ces lieux.
Je me rappelle des joies, du cœur, qui se dérobait sous ses yeux de velours moucheté de gris, la fumée de cigarette qui voltigeait autour de sa magnificence. Il avait des lèvres d’un cinabre intense, une douceur à vous fendre le corps et le courage. Souvent, son visage ovale, tatoué d’arabesque dentelée, émergeait entre mes seins pour m’attendrir. Son sourire irradiait tout.
Nos âmes entraient en résonance avec les morsures de nos râles lors des soirées fantasques tant attendues. La lubricité de nos valses éveillait en moi les pulsions les plus viles. Gérald était imprévisible et tout mon corps, mon désir tendait vers lui, implorant. Érigée une statue en son honneur était une astuce pour le voir cru. Sa présence ? Un prétexte quelconque pour me perdre dans la contemplation de ses imperfections ensorcelantes.
Gérald détenait les droits, tous les passes lorsqu’il desserrait mes jambes amadouantes. Mes remparts cédaient sous l’éclat carnassier de ses dents, j’étais détrempée avant les offensives. Il baptisait l’écorce, soufflait sur la fournaise pour me sentir tressaillir. Je défaillais dans ses yeux lorsqu’il remontait le long de ma faiblesse, son nez chatouillant la clarine. J’abdiquais lorsque sa langue faisait sonner le battant.
Au fur et à mesure de nos séances que je prenais plaisir à éterniser, je découvrais sous ses doigts une multitude de délices, me confondant en minauderies afin d’encourager ses audaces bestiales. Gérald troublait ma raison en susurrant mon nom, je devenais un puits indécent au contact de sa brise contre mon oreille. Ses lèvres pouvaient bien se perdre dans l’abondance frétillante de ma chair dévouée, je réclamais sempiternellement l’ouragan. Tandis qu’il embrasait sous la paume de sa main, mon ventre affamé, je m’attelais à modeler à la glaise, les vagues et les raideurs de son anatomie. Il plongeait jusqu’à la garde sa queue impérieuse, transformant chaque assaut en satisfaction indicible. Les yeux se révulsaient de ravissement, ses doigts ceinturaient mon cou et chienne crucifiée, je léchais sa face, égarée dans cette jouissance que je rêvais éternelle.
Maître de mes tourments aux nuits soupirantes, il se métamorphosait en loup, j’étais sa gourgandine, je lui appartenais. Je me hissais docile sur lui, installée sur ses cuisses, le fruit ruisselant de saveur surette, mes doigts indélicats fouillant la pulpe. Ses lucioles sombres sur moi guidaient mes perversités, son pouce pénétrait l’anneau étroit qu’il menaçait de déchirer si je ne restais pas raisonnable. Parfois, je m’oubliais sur lui, déclenchant mes punitions par mon insolence, accueillant à renfort de cris et de supplications mordantes ses châtiments, griffant sa chair, lézardant sa poitrine de rage sournoises.
Comme une prémonition, j’achevais mon œuvre le jour de son accident. Depuis, je me noie dans ce vide terrifiant dû à son absence. Il me reste l’odeur intime, le goût du lait sur sa peau, sur ma langue dansant langoureusement contre la sienne, nos échanges d’une sensualité folle.
Contre sa statue, je m’abandonne avec délice à ses caresses imaginaires, à la jouissance paisible, le doigt appuyant doucement contre le bouton de rose agacé. Je siffle les obscénités qu’il me chuchotait en déposant au loin dans ce ventre qu’il ravageait tant, ses voluptés ardentes.
Sa marque indélébile, je l’effleure comme on meurt ; la fleur d’Adonide qu’il avait délicatement épétalée au bistouri, florissait mon aine d’une trace éternelle de baiser rouge.
- Autrice Paracelsia Le Saigné
- Crédits Photo Féebrile aka Isabelle Royet-Journoud