Carne
- Prose
Papa m’a appris que la mort n’est qu’un prélude à un second cycle de vie terne et sans fondement. Que l’inimitié devait s’affronter avec ce regard froid que l’on vous rend au fond d’une tombe, toujours se tenir près de la falaise, les yeux embués et la peau iridescente d’une substance désagréable qui endeuille votre innocence non acquise encore.
Maman m’a infligée les souffrances d’un Jésus Christ de braderie, des coups d’épines qui m’ont labourée la chair des années durant et m’ont fait oublier ce cœur qui bat et devrait s’émerveiller, cette pustulose infecte qui m’a engendré et me laisse l’insulter sans férir.
Le monde est pusillanime, globe écœurant atteint d’exophtalmie, purulent et tournant sans pudeur sur elle-même des années durant.
Ô infâme ! Sache que l’enfant a grandi trop vite et que cette exuvie précoce a rendu l’âme amère et putrescente.
Comment masquer constamment cette tâche incolore aux fonds des yeux, du ventre et du con?
Celui qui pénètre m’a appris que la jouissance n’était qu’une question de nerfs et de sensibilité, l’imbécile n’a-t-il pas montré du doigt son prépuce écoeurant ?
L’amour est vivant, on le jurerait ! Cette préhension maladroite qui vous laisse pantois à demi-morte face à l’extase de vos fantasmes dévorants, sans en comprendre ses valeurs extrinsèques, amour ancillaire, amour qui brille comme le vagin d’une femme excitée, imprégnée du sang rance de vos cadavres cacher.
Papa m’a appris que pontifier sur l’art de mes abnégations énigmatiques ne servent qu’à soutenir la thèse de ma folie ainsi que mes hystéries.
Que la géhenne dans laquelle je me complais avec cette sottise m’assassinera sûrement avant d’avoir le temps d’apprécier quoi que ce soit.
Maman m’a appris que mes commisérations vis-à-vis des malheureux décharnés n’est qu’hypocrisie pour cacher la fascination de l’horreur.
Que s’amuïr lentement ne servait qu’à me rendre plus pathétique encore.
Celui qui aime m’a appris que sur sa bouche résidait une chaleur plus étouffante que celui de mes lèvres ligulées, que dans ses bras, l’acide n’y est pas ancré et que sa vie était une rythmique insidieuse qu’il aimerait lester sans regret. A quoi bon se régir à travers ses yeux, si le désir masque chaque mot.
Pourquoi éprouver cet amour dégénéré que l’homme tient en haute estime, mais ne parvient pas à distiller ?
Pourquoi Lui rimerait-il avec confiance alors que mes bras m’étranglent?
Papa et maman m’ont dit que rien de beau ne m’arriverait jamais.
- Autrice Paracelsia Le Saigné
- Crédits Photo Gerostenkorp