Ballet Nocturne
- Érotique
La nuit s’étirait, mystérieuse dans les failles veloutées de son sourire angélique tandis que l’aube s’éteignait derrière les immenses baies vitrées de la pièce. Il aimait toujours louer de grandes demeures pour m’y enfermer à double tour et faire de moi la petite « princesse pute » de ses propres films. La braguette était, semble-t-il, le clap annonciateur des débauches à satisfaire. Je n’étais jamais fébrile à ses côtés, car il idolâtrait ma gourmandise et stimulait ma rage. Tous les aspects de mes délires, les spectres de mes déviances, il les encourageait sans jamais imposer quoi que ce soit. Il m’avait posée comme un papillon délicat sur un canapé de plume puis il était venu à moi avec ses faiblesses et son âme offerte dans une boîte de chocolat à la liqueur particulière. Ce soir, les retrouvailles présageaient le meilleur pour moi. Il me tenait en joue avec sa voix si reconnaissable qui provoquait les flammes dans le creux de mon ventre bouillonnant d’impatience. Dans son regard, un désir sans vacillement retenait toutes mes tensions ; il savourait son effet, ne répétant qu’une fois l’ordre ;
— Mâche !
Et je l’avais défié, son arc de sourcil s’était élevé ; il était amusé par mon entêtement à faire durer le moment où je finirais par croquer dans cette truffe à la cime laiteuse. Lorsque mes dents avaient transpercé la friandise, j’avais eu un haut-le-cœur terrible que je n’avais pas laissé deviner. L’explosion au fond de ma bouche d’un liquide aigre et visqueux ne m’avait pas ébranlée. J’avais maintenu le contact avec ses yeux qui attendaient la moindre faille pour me punir et me refuser la porte de son paradis. Mais j’espérais la suite si fort que j’avais attrapé délicatement un deuxième bonbon pour l’enfourner sans trembler. Le ventre révolté par cet outrage, je ne me démontais pas. Observant avec adoration les palpitations des ailes de ses narines, je prenais enfin du plaisir à la septième bouchée. Il essayait de maintenir une raideur mondaine, pourtant ses lèvres aussi frissonnaient d’émoi. Les boules de chocolat pleines de sperme débordaient de ma gorge révulsée, ça l’excitait. Je fis exprès de laisser couler des filaments de lait émietté de cacao fondu sur mon menton, mon cou… Tout dégoûta entre mes seins.
— Lèche !
Cette fois, j’avais ordonné, et attendais qu’il s’exécute. La question de la préparation de ces cadeaux fourrés me traversa l’esprit et j’eus la vision d’inconnus harnachés comme des bestiaux se faisant branler un par un par mon amant délicieux, qui extirpait de chacun d’eux la dernière goutte en serrant bien fort la tête jusqu’au sanglot final. Cela me mit dans un état de transe inimaginable. Je voulais qu’il me nettoie consciencieusement, du bout de sa trique et de sa langue, que lui aussi puisse goûter à la semence de ces généreux donateurs. Pourtant, il s’était contenu… Un long moment… Des minutes qui m’avait fait perdre la tête.
— Le dessert n’était pas pour la fin ?
Il se pencha vers moi, pour me serrer la gorge ; j’ouvris le bec, sereine, petit oiseau que l’on s’apprêtait à gaver. Mon complice me cracha dedans, engageant sans ménagement ses doigts jusqu’au fond de mon gosier. Chaque fois qu’il sentait que j’allais rendre, il adoucissait son geste puis recommençait. Il me faisait baver comme un escargot pour me préparer, tartiner sur mon visage la glaire de ma luette. Il m’enlaidissait avec ma salive, voulant me redessiner en étalant mon maquillage partout.
— Tu es tellement mieux sans tout ça.
Les cuisses écartées, j’accueillais en ricanant les mots qu’il chuchotait près de ma bouche. Chaque « pute » prononcé était suivie d’une gifle sur mon entrejambe que je m’infligeais avec régal. Mon soupirant amassa une quantité remarquable de gelée pour en enduire l’entrée de ma chatte. Le salaud me préparait pour quelque chose, et l’ajout de lubrifiant me plongea dans une hystérie totale. Je déchirais ce qu’il restait d’habit sur ma peau afin de m’exposer crument et ouverte à ses doigts, cherchant à m’agrandir pour qu’il enfouisse sa main dans mon ventre et me dégrade un peu plus.
— Non ! Ce soir, ce n’est pas moi qui serai ton marionnettiste.
Le retrait de ses phalanges me fit hurler d’indignation. Il m’avait berné. Dans le petit salon se mirent soudain à défiler des hommes dont les visages se dissimulaient sous des cagoules grossières. Je ne voulais pas savoir à quoi ils ressemblaient de toute façon, car cinq monstres se balançaient sur les cuisses de leur propriétaire, des pendules hypnotiques, des massues.
— Ne la ménagez pas surtout !
À quoi bon faire les présentations ? Convaincue depuis longtemps, je me couchais sur le canapé provoquant les joueurs masqués, le cul en béance dans l’attente qu’on le déchire.
Au premier coup, l’impression improbable que mon corps allait imploser. Jamais encore, je n’avais connu cette espèce de madrier, cette anomalie qui forait un passage inédit dans mon intestin. Le souffle au bord des lèvres, le cœur à l’arrêt, les hoquets se multiplièrent alors que je suppliais d’y aller graduellement. Malgré mes prières, mon amant leur fit signe de ne pas écouter. Il récolta une pluie de grossièretés ponctuées de rire moqueur. On me fit basculer sans ménagement pour me placer sur un totem reluisant. Une deuxième queue se logea avec la première dans un tunnel de plus en plus abouti pour élargir le passage. Mes piaillements devinrent des hurlements. Les yeux révulsés, je m’accrochais, les griffes plantées dans les corps inconnus, essayant de recouvrer mon calme alors que ma chair grelottait sous les assauts et les râles du commando.
Un instant, mon regard se porta vers lui. Ne perdant pas une miette, il se tenait près de nous, le front humide, la langue pendue sur le satiné de ses lèvres. Cette frustration, c’est ça qui le motivait, c’est ce qui nous liait tous les deux. Le tableau devait être insupportable pour lui. Un autre bougre entreprit de me branler pendant que je me faisais étirer les profondeurs de mon cul. Mon souffle coupé à chaque gourdin qui s’engouffrait la place libérée, suppliante, je mendiais qu’on me remplisse sans temps mort. Lorsqu’une main disparut dans l’antre de mon iris, je me mis à les injurier copieusement, avant de glousser puis de chanter comme un violon, déversant une pluie alcaline sur les couilles compressées contre mon postérieur. Mon hôte s’écroula pantelant sur le sol sans quitter le spectacle des yeux.
— Joyeux anniversaire, ma reine, souffla-t-il.
Il paraissait éreinté par son propre vice. La privation infernale qu’il subissait le rendait fou. C’était un dévot à nos pieds. La queue volontairement prisonnière, mon amant était à genoux devant la toile de nos corps imbriqués et haletants, des bites coulissant en un point juteux semblant le terrasser. Au supplice, il écoutait le bruit des vagues provoqué par les clapotis des membres qui s’embrasaient, se frôlaient sauvagement. Je me retrouvais dans un cocon étouffant. Toutes mes entrées étaient occupées par d’énormes priapes dégueulant de mon miel fielleux. Il se consumait à nous mater sans oser se satisfaire, éructant plusieurs fois, déçu de ne plus pouvoir se redresser, tenir la face lors du show qu’il avait orchestré et qui lui échappait dorénavant.
Jusqu’à ce que la soirée prenne des allures de copinage et que la fatigue nous étreigne tous, je lui permis tout juste de lécher l’ourlet de ma scintillante rose boursouflée par tant d’enthousiasme. Fleurissant en une poussée devant son regard attendri, mon tendre animal lapait les reliques des convives laissés sur les corolles pourpres. Sans doute auront-ils faim à nouveau avant les éclats revigorants du jour.
- Autrice Paracelsia Le Saigné
- Crédits Photo Sam Haskins